Le Parlement européen poursuit la Commission au sujet des fonds destinés à la Hongrie
Publié : Jeudi, 14 mars 2024, 13:20
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Le Parlement européen poursuit la Commission européenne d'Ursula von der Leyen pour le déblocage controversé de subventions en faveur de la Hongrie.
L'agence de presse allemande l'a appris jeudi lors d'une réunion entre la présidente du Parlement, Roberta Metsola, et les chefs des groupes politiques à Strasbourg. Lundi soir, la commission des affaires juridiques du Parlement avait voté à une large majorité en faveur de la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) à Luxembourg.
Par cette action en justice, le Parlement souhaite savoir si la décision de la Commission de débloquer environ dix milliards d'euros de fonds européens gelés en faveur de la Hongrie était légale, malgré les critiques constantes concernant les violations de l'État de droit dans le pays. L'autorité bruxelloise a justifié cette décision en déclarant que le chef du gouvernement hongrois Viktor Orban avait rempli les conditions nécessaires.
Événement extrêmement rare
Il est extrêmement rare que le Parlement européen poursuive la Commission devant la CJUE. Cependant, le Parlement avait déjà poursuivi Mme von der Leyen et son équipe en 2021 parce qu'ils n'avaient pas appliqué un nouveau règlement visant à punir les violations de l'État de droit dans les États membres de l'UE. Toutefois, le Parlement a retiré sa plainte après que l'autorité a commencé à utiliser le règlement dit de conditionnalité contre la Hongrie en avril 2022. Ce règlement permet de geler les fonds des pays de l'UE destinés à la Hongrie s'il existe un risque de mauvaise utilisation des fonds en raison de violations de l'État de droit.
Ce nouveau procès est d'autant plus remarquable que les collègues du parti de Mme von der Leyen n'ont manifestement pas tenté de l'empêcher. Ils doivent maintenant répondre à la question de savoir pourquoi ils ne soutiennent pas leur principale représentante sur une question aussi fondamentale. Mme Von der Leyen n'a été officiellement présentée par le PPE que la semaine dernière en tant que candidate du PPE pour un second mandat en tant que présidente de la Commission européenne. Les cercles du PPE ont déclaré jeudi que le fait de s'opposer à l'action en justice aurait pu être interprété comme un soutien à M. Orban. En principe, ils auraient voulu procéder à un examen juridique encore plus détaillé avant d'entamer une action en justice.
Accusations sévères à l'encontre de von der Leyen
Les opposants politiques ont déjà essayé d'utiliser les procédures de ces derniers jours pour infliger des dommages politiques à Mme von der Leyen. "L'acte d'accusation est plus qu'embarrassant pour Mme von der Leyen. Mme von der Leyen suit les traces de Donald Trump, qui doit mener sa campagne présidentielle depuis le banc des accusés", a raillé Moritz Körner, président du FDP au Parlement européen. Mais c'est de sa faute, car elle n'est pas gênée par le fait que les contribuables européens enrichissent le "clan familial d'Orban".
René Repasi, professeur de droit européen et eurodéputé SPD, a qualifié l'action devant la Cour de justice d'étape importante "pour obliger la Commission à rendre des comptes dans ses relations avec les autocraties européennes". L'eurodéputé vert Daniel Freund a accusé la Commission de "marchandage". L'argent de l'UE ne devrait être versé que si l'État de droit fonctionne.
Des perspectives de réussite incertaines
Il n'est pas certain que le procès en cours soit couronné de succès. Le service juridique du Parlement n'est pas parvenu à une conclusion claire dans un avis d'expert sur les chances d'une action en justice. Selon ce document, que l'agence de presse allemande a pu consulter, le Parlement doit d'abord prouver que la Commission a commis des erreurs lors de l'adoption de la décision. On peut s'attendre à ce que "la Commission, pour sa part, mette en avant une défense solide" et s'appuie sur ses pouvoirs discrétionnaires.
L'avis juridique conclut qu'une action soulèverait plusieurs questions qui n'ont pas encore été abordées par la CJCE. Il est donc difficile de prédire comment la Cour statuerait dans une telle affaire. En tout état de cause, il est peu probable qu'un arrêt soit rendu dans cette affaire avant l'année prochaine au plus tôt, c'est-à-dire bien après les élections européennes prévues en juin et la décision sur un éventuel second mandat de Mme von der Leyen.
Les détracteurs de la décision juridique y voient donc des risques considérables. La procédure permettra à Orban de continuer à se présenter comme la victime d'une campagne politique du Parlement. En outre, si le procès échoue, l'image du Parlement risque d'être considérablement ternie. L'espoir exprimé que les États membres puissent ensuite retirer des pouvoirs à la Commission par le biais d'une procédure décisionnelle compliquée est totalement infondé, d'autant plus que la décision de débloquer les fonds a été soutenue par une large majorité d'États membres de l'UE.
Les députés européens parlent de chantage
Toutefois, les députés européens, y compris ceux des partis de gouvernement allemands SPD, Verts et FDP, ont critiqué le déblocage de l'argent à l'époque et ont accusé Mme von der Leyen de se laisser faire par le chantage de la Hongrie. M. Orban avait précédemment annoncé qu'il bloquerait le début des négociations d'adhésion à l'UE avec l'Ukraine ainsi qu'un programme d'aide de l'UE d'une valeur de plusieurs milliards pour le pays attaqué par la Russie.
Un accord a finalement été conclu sur l'ouverture des négociations d'adhésion lors du sommet de décembre. Le paquet d'aide a été approuvé lors d'un sommet spécial au début du mois de février.
©Keystone/SDA